Tourisme au Comores: Un défi à relever

  Pierre Verrin
Extrait de "Comores"

Les îles Comores :

De réelles potentialités touristiques

et commerciales.


Les paramètres du sous-développement comorien ont beaucoup de points communs ace ceux d’autres pays tropicaux où le produit national brut se situe autour de 120 dollars par habitat et par an. Alors que l’archipel fait face à l’explosion démographique, les ressources vivrières ne progressent pas à la m^me cadence, les revenus des cultures de rente stagnent et les îles dépourvues de ressources énergétiques et mineras n’ont pu s’engager dans l’industrialisation. A peine note-t-on dans ce domaine quelques entreprises qui transforment les produits de l’agriculture commerciale : distilleries de plantes à parfum, ateliers de préparation de vanille, savonnerie utilisant le coprah, usine d’embouteillage de boissons gazeuses de Patti à Ndzouani, d’artisanat utilitaire qui sont les menuiseries, forgerons, garages, petits chantiers de « boutres » que les Zanzibarites nomment dhows.
Le retour des rapatriés de Madagascar, les « Sabena », a permis un véritable essor de métiers, appris dans la Grande Ile, métiers qui faisaient jusque-là défaut aux Comores, en particulier pour tout ce qui touche au travail du bois, du métal, à la confection des vêtements, mais aussi pour toutes les cultures de jardinage qui approvisionnent aujourd’hui les marchés de Moroni et de Mutsamudu. Grâce aux « Sabena », on ne manque plus aujourd’hui aux Comores de cordonniers, de plombiers, électriciens, de coffreurs à béton, alors que ces tâches revenaient à des Malgaches ou à des créoles. Ce sont encore des « Sabena » qui disposent des étals à brochettes dans les villes, mais aussi des femmes rapatriées qui animent les soirées mondaines dans les boites de nuit de quartiers.
L’artisanat d’art mériterait d’être mieux connu. Son authenticité tire son charme de l’ancienne culture matérielle des Comoriens traditionnels qui brodaient les coiffures qu’on appelle kofia et les vêtements soutachés d’or, les djoho, sculptaient les portes des maisons et les Porte-Cora de beaux testes et motifs islamiques, confectionnaient des vanneries colorées, des poupées en raphia, et des brûle-parfum en céramique. Mais c’est surtout pour la coquetterie des femmes que les orfèvres réalisent ces merveilleux bijoux d’or massif ou filigranés : bracelets, boucles d’oreilles, colliers et ornements de nez appelés ipini. Ensemble, ils pouvaient composer l’ipamkono, cet oreiller de richesses qu’on exhibait aux grands mariages.
Les experts étrangers en développement croient que cet artisanat d’art pourrait trouver une importante clientèle avec le tourisme. C’est oublier que ces objets ont leurs débouchés sur place ou en Afrique de l’Est où tous les Tanzaniens et les Kenyans musulmans recherchent les kofia admirablement brodées de Mitsamihuli. Ces œuvres ont souvent exécutées à la demande, et les touristes, immanquablement pressés, ne les trouvent pas disponibles. Enfin, on sait que les comptoirs de commercialisation achètent plutôt de « l’art d’aéroport » que des objets authentiques. L ‘artisanat bien présenté est sûrement un atout non négligeable pour le tourisme comorien, mais la réussite de celui-ci tiendra à d’autres facteurs que des achats hasardeux.

Les Comores bénéficient certes d’un potentiel très favorable : plages de sable fin, beauté des paysages et des monuments islamiques, curisités naturelles comme les lacs de cratères, et surout, le karthala. Quelques hôtels modernes ajoutés au capital immobilier ancien permettent de disposer de 600 chambres. Les liaisons internationales sont assez satisfaisantes mais les vols intérieurs des îles sont insuffisants. Le réseau routier comorien est bien développé, des agences de voyages proposent des visites guidées avec des formules adaptées aux besoins des touristes.
Le nombre de touristes ne cesse d’augmenter atteignant plus de 20 000, ce qui est mieux que Madagascar mais vingt-cinq fois moins que Maurice. Les voyagistes devront prendre conscience de la beauté des lieux et des monuments religieux qui y existe afin de développer une activité touristique proche de l’île Maurice.

Malgré sont intérêt pour l’équilibre de la balance commerciale, le tourisme n’est pas très créateur d’emplois. Le défi comorien du sous-développement gagnerait à être relevé à l’aide de bons réseaux d’échanges et peut-être même d’un port franc. Les Comoriens, par nature polyglotte et par vocation voyageurs, sont de surcroît des commerçants réalistes qui savent promouvoir la richesse. Les oligopoles de commerçants-politiciens ne devraient leur permettre de bénéficier de la nouvelle liberté économique. On s’attendrait à ce que Mutsamudu devienne port franc, et par voie de conséquence, une plaque tournante du commerce dans l’ouest de l’océan Indien. Ce n’est pas le cas pour le moment en raison de blocages fiscaux et institutionnels.

Il suffirait donc de libéraliser et d’accorder des facilités fiscales comme au Liechtenstein ou à Monaco ou m^me créer une zone franche comme à l’île Maurice. Mais pour l’instant, c’est plutôt le style des Bahamas et de Cayman qui prévaut, même si les sièges sociaux des compagnies manipulatrices restent domiciliés à l’extérieur. Dans le domaine des « affaires », le nouvel ordre mondial donne des chances appréciables aux petits Etats causés par le déficit des finances publiques et par l’existante d’une dette de 160 millions de dollars qui représente 95 % du PIB. Les préoccupations de l’Etat au sujet du quotidien, et l’insécurité juridique qui en résulte ne sont, pour le moment, guère propices à attirer les investisseurs.

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