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Peut-on
parler d’une période révolutionnaire sous Ali Soilih
ou d’un changement de continuité ?
Par IBRAHIM MIHIDJAYI, historien. |
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Notre
pays est en miette, la population comorienne, en ruminant sa misère
quotidienne responsabilise la faillite de l’Etat aux gouvernements
successifs depuis vingt-huit ans d’indépendance. Notre regard
sur l’histoire politique de notre archipel nous permet de nuancer
les périodes de règne et les grands personnages politiques
qui ont marqué les Comores indépendantes. Chacun d’entre
nous se targue d’avoir connu de près tel personnage politique
de notre histoire et règle ses comptes avec lui tout en dénaturant
les faits historiques. Ce qui est surprenant est de diaboliser Ali Soilih
sans esprit de discernement ou de lui mettre dans le même panier
de crabes que ses successeurs. Sans être thuriféraire du
soilihisme, ni contempteur aveugle, Ali Soilih s’est démarqué
de ses successeurs par son style et sa méthode de gouvernement.
C’était une rupture de la manière de diriger un pays
pour un homme appartenant aux notables politiques de l’époque.
Dans tous les cas, les pays décolonisés dans leur ensemble doivent faire face aux conséquences durables et multiples de l’époque coloniale. En matière politique, ces pays longtemps dominés –c’est le cas des Comores- ne peuvent pas opter la plupart du temps que pour des idéologies importées ; c’est le cas de Madagascar en 1975, avec Ratsiraka, de la Guinée Konakri avec Sékou Touré ou du Vietnam. Les retombées de la bipolarisation du monde et de la Guerre froide se juxtaposent aux divisions antérieures. Pour Ali Soilih, il n’y a trois possibilités. Soit il s’aligne dans le bloc communiste international, incarné par l’Union soviétique et la Chine, ou l’autre camp occidental représenté par les Etats-Unis et l’Europe du Nord Ouest, notamment la France. Pour le Comorien du milieu populaire, illettré, vivant en milieu rural, le 3 août 75 est la date de naissance, l’année zéro du monde nouveau fondé sur l’égalité. Les valeurs défendues durant cette courte période sont : l’égalité des chances en matière d’instruction et de santé, la liberté et l’égalité des sexes dans une société musulmane et inégale. Les trois îles indépendantes étaient gouvernées autrement au regard de la longue période de 14 ans de l’autonomie interne. Cette nouvelle méthode et ce style de travail atypique ont bousculé le conformisme ambiant et le model traditionnel de notre société. Les notables politiques de notre pays qui ont eu une culture politique dans la période coloniale n’étaient en phase de se remettre en question ni de se requinquer pour prendre le courant en marche dans le continent. Le retour d’Ahmed Abdallah le 13 mai 1978 a détruit cet élan réformateur que l’archipel a connu dans la période précédente. b) Poser les jalons d’un Etat-Nation.
Nous ne prétendons pas que cette
période que nous qualifions de révolutionnaire était
sans incident ni excès de pouvoir. Mais du point de vue historique,
et au regard des Comores d’après cette période, on
peut affirmer que cette période ne constitue pas un changement
de continuité mais une rupture, même si dans le continent
le communisme occidental n’a pas apporté grand-chose par
rapport au colonialisme d’antan. Il est certain que l’état
post colonial était souvent un état néo-colonial
(1978-1989), soit un état imbu d’options idéologiques
mimétiques par rapport au modèle stalinien de type soviétique
ou maoïste. Ces modèles étaient absolument déplacés
dans les pays africains, trop éloignés des conditions prévalant
à Moscou ou à Pékin. L’Afrique est en queue
de peloton des autres continents car elle ne parvient pas à retrouver
une voie originale reflétant les réalités propres
de chaque pays. |
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