Îles Comores : Un unité ancestrale.

 
Pierre Verrin

Les Comoriens sont une nation bantoue d’idéal islamique. Cela veut dire qu’une civilisation appartenant à la familles des peuples parlant les langues bantoues (qui sont usitées en Afrique par la majorité des ethnies au sud du 5è parallèle nord) s’est transposée depuis le littoral de l’Afrique orientale – que les intéressés appellent Swahili, de la même racine que Sahel : Le bord – jusqu’à l’archipel. Ces bantous se sont convertis à l’islam, très progressivement, sous l’influence de migrant venus d’Arabie et du Golfe. On peut estimer que l’archipel était totalement musulman lorsque les Portugais y parvinrent au début du Xvè siècle.
Il en résulte que les Comores sont d’abord une nation islamique. L’islam ne s’est pas superposé à un fonds de coutumes bantoues ; il l’a totalement imprégné. Les ancêtres venus d’Arabie ou du pays de Chiraz sont soigneusement remémorés, même si leur alliance avec des femmes bantoues est très lointaine ? La quasi-totalité des Comoriens (à l’exception de quelques familles malgache et créole) sont des musulmans sunnites de rite chaféite. La vie des habitants est avant tout une adhésion et la mise en pratique des piliers de la foi ; les cadis jugent selon le droit musulman, d’après le commentaire du Min hadj atTwalibin.
Parmi les coutumes les plus originales de la civilisation comorienne, on cite ordinairement le manyahuli, réserve immobilière de la fille dotée et dont la dévolution se fait de façon matrilinéaire, l’importance’ de la vie associative à l’intérieur des classes d’âge (hirimu) et du quartier (mraya), le rôle des prestations traditionnelles (shungu, mais aussi ndola-nkuu, le grand mariage de Ngazidja) qui règlent le statut de l’individu dans son groupe et assurent son ascension sociale. L’espace social où se font les réunions et s’affirment les statuts est la place bangwe (Anjouan mpangahari) pourvue de bancs de pierre ; on s’y asseoit selon une étiquette bien codifiée. Le système des classes d’âge, où la promotion sociale se règle selon les performances accomplies, fonctionne chez les Swazi à peu près comme aux Comores et la dévolution matrilinéaire des biens, mais aussi du pouvoir, se rencontre couramment chez de nombreux groupes bantous d’Afrique orientale. Enfin la possession du bétail, chez les Comoriens de jadis comme chez les autres Bantous, demeure associée au contrôle politique qu’on exerçait sur ceux qui avaient ces animaux. Le muhama ndume, littéralement « celui qui trait », était à Ngazidhja l’arbitre des conflit entre les sultans.
Sur le plan linguistique, l’archipel parle le comorien (shikomori), langue issue d’une sous famille du bantou appelée par les linguistes sabaki. Cette sous-famille comprend, outre le comorien, le pokomo et le sahili . Confondre le swahili et le comorien, c’est prendre le français pour l’italien, sous prétexte qu’ils se ressemblent et qu’ils sont dérivés de la m^me source. La confusion vient du fait que le swahili a été utilisé aux Comores jusqu’à la venue des Français dans les actes officiels des sultans.
Le comorien est lui-même subdivisé en deux catégories de dialectes : le gourme est, d’un côté (shimaore et shinduani), et le groupe ouest (shimwali et shigasidja), de l’autre, mais on arrive à se comprendre, même si le système des verbes est très différent et le vocabulaire commun à 701 % seulement. A Mayotte, le malgache sous diverses variétés est utilisé dans un certain nombre de villages, mais tous connaissent aussi le shimaore, dialecte très proche du shindzuani.
Même si le groupe oriental des dialectes (Mayotte et Anjouan) et groupe ouest (La grande Comores et Mohéli) présentent entre eux des différences notables, l’un et l’autre appartiennent bien à la famille des langues bantoues, et cela nous donne un premier indice sur l’origine africaine de la majorité des habitants. Certains comparatistes trouvent que le groupe shimaore-shindzuani, celui de l’est, a de réelles ressemblances avec le parler du swahili de la région de Monbasa, tandis que le shingazidja et shimwali ressembleraient à certaines langues du Mozambique, notamment l’esakaji. Il est tout à fait plausible que le peuplement d’Afrique se soit fait en plusieurs vagues. Mais durant Ixè siècle, ou peut-être un peu avant, les civilisations de l’Afrique orientale vont commencer à subir l’influence de l’islam, venu d’Arabie méridionale et des pays du Golfe : 30% du vocabulaire de la langue de la Grande Comores a été emprunt&é à l’arabe ce qui donne une idée de l’importance de l’influence subie.

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